Plus ancienne biscuiterie de France, connue pour son emblématique Biscuit Rose, la Maison Fossier est passée à deux doigts de la faillite dans les années 1990. Appartenant à l’époque à un grand groupe agroalimentaire qui n’investissait plus dans l’entreprise, Charles de Fougeroux va reprendre la Maison dans l’espoir de la sauver, ce qu’il réussira en moins de dix ans ! Retour sur un sauvetage exemplaire vu sous l’angle du capital humain.
Un peu d’histoire…
Née en 1756 à Reims, la biscuiterie se crée rapidement une excellente réputation en devenant fournisseur du roi en 1775 après avoir fait ses preuves lors du sacre de Louis XVI. En 1845, Monsieur Fossier prend la succession de la biscuiterie qui devient l’une des dernières biscuiteries rémoises après les deux guerres mondiales. Elle a fêté ses 260 ans d’existence en 2016.
En 1940, la pénurie alimentaire impose à la biscuiterie de modifier ses recettes pour continuer à faire tourner son outil industriel. La qualité des biscuits s’en trouve dégradée et les propriétaires de l’époque ne reviendront pas à l’ancienne recette une fois la guerre terminée. Les clients se détournent de la biscuiterie, et l’entreprise va traverser trois dépôts de bilan à partir de 1970 jusqu’à la liquidation judiciaire en 1990. Reprise par une filiale du groupe LU, le redressement s’avère complexe en raison d’un manque de compétences techniques et les difficultés financières se maintiennent.
Charles de Fougeroux, alors propriétaire de la Biscuiterie Rémoise, reprend l’entreprise et ses 20 salariés. A l’époque, la Maison Fossier réalise 1 million de francs de pertes pour un chiffre d’affaires de 5 millions de francs. L’outil industriel n’a pas évolué et les conditions de travail sont déplorables.
Il se lance alors dans un projet de développement ambitieux qui mêlera tradition et innovation. Dès le départ, il installe l’atelier dans les locaux de son entreprise et prend très vite la décision de construire une nouvelle usine plus moderne visant à augmenter la production tout en conservant la qualité des produits et en offrant de meilleures conditions de travail à ses salariés. Pour cela, il fait appel à un architecte spécialisé pour construire l’outil de travail le plus adapté.
En 2004, la Maison Fossier inaugure sa nouvelle chaîne de production des biscuits roses et va réinventer de nombreuses anciennes recettes qui avaient été oubliées, comme le pain d’épice par exemple. En 2008, elle obtient le label « entreprise du patrimoine vivant », qui récompense les industries françaises d’excellence détenant un « savoir-faire renommé et ancestral, reposant sur la maitrise de techniques traditionnelles, spécifiques à un territoire ».
Le redressement de l’entreprise est un succès, entre 1996 et 2010, l’entreprise se développe : elle passe à deux usines et quatre boutiques dans la région, les effectifs bondissent de 24 à 80 salariés et le chiffre d’affaires passe de 5 à 9 millions de francs.
Le capital humain comme élément clé de la reprise de la Maison Fossier
A l’époque où Charles de Fougeroux reprend la Maison Fossier, il a acquis une longue expérience dans le biscuit. Agé de 53 ans, il saisit l’opportunité d’un licenciement pour se lancer dans cette aventure. Selon lui, le secret de sa réussite a été de perpétuer un savoir-faire tout en l’enrichissant grâce à des connaissances acquises en R&D.
Il partage la valeur selon laquelle « c’est l’entreprise qui est au service des hommes et non pas l’inverse » et revendique ouvertement une sensibilisation aux ressources humaines, qui va le guider tout au long de ce projet de redressement de la Maison Fossier. Pour lui, le capital humain, constitué essentiellement des salariés de l’entreprise, a été le pilier du succès de ce sauvetage.
La première décision prise par Charles de Fougeroux a été de se maintenir dans la région pour préserver l’emploi plutôt que de bénéficier de subventions ponctuelles en allant s’implanter ailleurs au risque de perdre ses salariés et leur savoir-faire. Une stratégie bien différente du groupe LU qui avait plutôt misé sur le capital financier.
Pour fidéliser les salariés, il investit dans la formation en interne qui favorise l’acquisition des qualifications et la promotion des personnes formées. Il améliore les conditions de travail (aménagement des horaires, polyvalence du personnel par la rotation dans la tenue des postes). Il travaille sur l’ergonomie et le confort de ses salariés (éclairage, ambiance thermique des postes, …) et ouvre par exemple l’atelier qui sera entièrement éclairé par la lumière extérieure.
Cependant, tous ces changements ne sont pas vécus comme le chef d’entreprise l’avait prévu. Les salariés, longtemps laissés de côté au fil des ans, ont eu du mal à percevoir les aspects positifs de cette démarche, préférant l’interpréter comme une immixtion et un contrôle de leur quotidien. Immédiatement, Charles de Fougeroux fait intervenir une psychologue du travail pour discuter des questions de respect, de formation et de management et pour trouver des solutions et des compromis entre ce que voulait la direction et les salariés.
Si l’innovation, l’investissement dans des outils de production permettant la production de produits de qualité sont des éléments indispensables au redressement d’une entreprise, il semble que le capital humain ne puisse être négligé et fasse partie intégrante du processus de reprise, qui plus est dans un secteur d’activité où l’expertise et le savoir-faire sont cruciaux.
Le capital humain permet en quelque sorte d’identifier les intérêts de chacun en associant tout le monde au destin de l’entreprise. Dans toute opération de reprise, ce capital humain n’est pas un élément de propriété de l’entreprise. Chaque salarié est libre de la quitter quand il le souhaite de sorte qu’il apparaît indispensable de le préserver dans le contexte d’instabilité qu’engendre une reprise. Une reprise effectuée sous le seul angle financier ou matériel a peu de chance de se transformer en retournement réussi.
Pour en savoir plus sur le capital humain appliqué à la reprise de la Maison Fossier, nous vous invitons à lire l’analyse complète de cette reprise vue par Aude d’Andria et Sonia Boussaguet.
Par Bastien de Breuvand