La majorité des entreprises à la recherche de liquidités ont recours à l’emprunt bancaire. Si à court terme cette solution est efficace, les entreprises préfèreraient affecter leurs liquidités à d’autres postes que le remboursement de cette dette. Ce fut notamment le cas de sociétés cotées comme le leader international du airsoft Cybergun et le précurseur français des nouvelles technologies Archos. Dans cet objectif où les avocats du cabinet Jeantet, la société de conseil en ingénierie financière Europe Offering et le fiduciaire Equitis Gestion ont développé ensemble un nouvel outil : la fiducie-equitization. Eclairage de Bianca Belassen, Inès Catoire, Eléonore Delplanque de Mandelot et Martin Renoleau d’Equitis Gestion.
Qu’est-ce que la fiducie-equitization ?
a. La fiducie en quelques mots
La fiducie, issue de la loi n°2007-211 du 19 février 2007, est définie par l’article 2011 du Code civil comme « l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droit ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires ». Les articles 2011 et suivants du Code civil régissant la fiducie offrent une formidable liberté aux parties s’exprimant par la mise en place d’un contrat de fiducie, adapté aux spécificités de l’opération, des actifs et aux besoins des parties.
Le contrat de fiducie opère un transfert de propriété d’actifs désignés, du constituant vers le patrimoine autonome et distinct de la fiducie. Par cet effet translatif, la fiducie détient l’actif, à charge pour le fiduciaire de le conserver et de le gérer selon la mission qui lui est confiée par les parties aux termes du contrat, au profit du bénéficiaire.
En effet, le contrat de fiducie est conclu dans un but déterminé, et prévoit de manière exhaustive et, le cas échéant, selon une chronologie préétablie, les missions du fiduciaire, qui les exécute en toute autonomie. Ces missions et la chronologie y afférente sont d’autant plus importantes si le contrat de fiducie a pour objet l’equitization de la dette.
b. L’equitization de la dette par la Fiducie
A l’instar des opérations de capitalisation de dette, l’equitization est un mécanisme permettant à une société cotée de transformer sa dette en actions, afin de désintéresser ses créanciers.
A la différence d’une opération de capitalisation dite classique dans laquelle le créancier se voit immédiatement octroyer les actions nouvellement émises en paiement de sa dette, l’equitization permet, d’une part, d’étaler le processus de capitalisation de la dette dans le temps et, d’autre part, de définir les modalités de paiement du créancier, lequel pourra recevoir des actions nouvellement émises et/ou confier au fiduciaire la mission de monétiser lesdites actions en les cédant sur le marché.
En pratique, l’equitization nécessite la mise en place d’opérations selon une chronologie préétablie, dont certaines seront gérées par le fiduciaire dans le cadre de la fiducie :
- à la conclusion du contrat de fiducie entre notamment la société débitrice et l’établissement prêteur, ce dernier transfère sa créance à la fiducie afin que le fiduciaire en ait la propriété et puisse ainsi effectuer sa mission ;
- la fiducie cède cette créance à la société débitrice, créance qui s’éteint ainsi par confusion. Cette cession ne fait pas l’objet d’un paiement en espèces mais donne naissance à un crédit vendeur ;
- la société débitrice attribue gratuitement des bons de souscription d’actions (BSA) à la fiducie ;
- ces BSA vont être exercés progressivement par le fiduciaire, par compensation avec le crédit vendeur qu’il détient. La créance va donc être transformée, au fil de l’eau, en actions ; et
- enfin, lorsque la mission du fiduciaire comprend la monétisation des actions souscrites, ce dernier les cède sur le marché, puis transfère le produit net de cession au bénéficiaire (l’établissement prêteur).
Ainsi, la fiducie-equitization permet à la société débitrice de rembourser sa dette en numéraire, et ce sans supporter le poids financier de ce remboursement. Le recours à une fiducie-equitization présente également de nombreux autres avantages, tant pour la société débitrice que pour le prêteur.
Quels avantages à recourir à une fiducie-equitization ?
a. Les avantages pour la société débitrice
Comme préalablement évoqué, la société n’aura pas besoin d’affecter de liquidités au remboursement de sa dette. En effet, lors de l’exercice des BSA par le fiduciaire, la société procède à des augmentations de capital permettant l’octroi de nouvelles actions. Par la cession de ces actions, le fiduciaire récupère le produit de cession et le transmet au prêteur désigné bénéficiaire au titre de la fiducie. C’est le marché qui rembourse in fine les créances et non la société cotée.
L’émission d’actions nouvelles implique nécessairement une dilution de l’actionnariat existant. Toutefois – et c’est ici le second avantage du mécanisme – cette dilution reste sous le contrôle de la société débitrice qui définit les conditions de conversion de la dette en capital et, le cas échéant, les modalités de cession des actions sur le marché.
b. Les avantages pour le prêteur
Les différents avantages que procure la fiducie-equitization pour le prêteur découlent d’une situation de fait : ayant cédé sa créance à la fiducie, il n’en est plus propriétaire.
La régulation du marché financier impose à tout actionnaire qui détient plus de 30% du capital ou des droits de vote d’une société cotée sur le marché réglementé d’Euronext Paris (ou bien 50% pour une société cotée sur Euronext Growth) de déclencher une offre publique d’achat (OPA). Or, le fiduciaire exerçant directement les BSA et devenant lui-même titulaire des actions, le prêteur ne sera jamais en situation de prise de contrôle de la société, si bien que ces règles d’OPA obligatoire ne lui seront pas applicables (il en est de même pour le fiduciaire étant donné qu’il exerce les BSA progressivement dans le temps et qu’il cède les actions sur le marché au fil de l’eau). Cette solution adresse également les problématiques de ratios prudentiels propres à certains prêteurs qui ne peuvent en tout état de cause détenir un certain pourcentage, voire la moindre action, dans le capital d’une société cotée.
Ensuite, avec la fiducie-equitization, le prêteur aura une plus forte probabilité de recouvrer la totalité de sa créance. Le prêteur, déshabillé de sa créance, ne peut se voir imposer ni plans de rééchelonnement de la dette qui conduiraient à des échéances plus longues couplées à des remboursements plus faibles, ni abandons de créances partiels sur la totalité de la créance apportée à la fiducie.
Enfin, ce mécanisme fiduciaire offre au prêteur une solution viable pour sécuriser le remboursement de sa créance, à condition que la liquidité sur le marché des actions de la société débitrice permette d’absorber la quantité d’actions à émettre dans le cadre de l’equitization.
Par Bianca Belassen, Inès Catoire, Eléonore Delplanque de Mandelot et Martin Renoleau d’Equitis Gestion
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et les avantages pour les actionnaires qui ont fait confiance qui ont investi ?