Pourtant bel et bien entré par la grande porte chez les managers de crise, Cédric Dugardin se considère encore comme un nouvel entrant dans la profession ! En réalité, en quelques années seulement, il a acquis la confiance des grands noms du marché du retournement et intervient sur d’importants dossiers de place. Sachant « porter un diagnostic sans complaisance ni jugement pour accompagner une solution efficace » nous rapporte Hélène Bourbouloux, administrateur judiciaire associée chez FHBx, également « doté d’une résistance élevée au stress » ajoute Philippe Druon, avocat associé chez Hogan Lovells, Cédric Dugardin est un homme d’action et de commandement qui trace son sillon dans un marché très exigeant.
« Il fait partie des trois ou quatre meilleurs du marché » indique d’emblée Philippe Druon. Passionné de l’épopée napoléonienne, celui qui a fait son service militaire à la tête d’un peloton de chars à Saumur ressemble davantage à un général qui s’est aventuré dans le monde des entreprises, qu’à un manager 3.0 à l’ère de la start up nation. A la fois proche de ses troupes, sans jamais être dans le copinage, le chef d’entreprise, qui vouvoie ses collaborateurs et ne déjeune pas avec eux, se rend en revanche disponible pour eux 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ne croyant pas dans le management par la terreur, mais revendiquant un management de troupes d’élites, le chef d’entreprise embarque ses troupes avec lui parce qu’il « aime les gens ». Condition sine qua none selon lui, sans quoi « vous n’emmenez personne au feu ».
Diplômé de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, de Sciences Po Paris et de la London School of Economics, Cédric Dugardin fait ses premières armes dans le monde du chiffre, d’abord chez PwC, puis chez Altadis avant de rejoindre Quick. Il sera PDG de la chaine aux 500 restaurants de 2013 à 2016. Impliqué malgré lui dans son retournement, il s’initie à l’aventure de la gestion de crise et rencontre les professionnels qui y travaillent. Cédric Colaert, associé chez Eight Advisory, à la manœuvre dans cette opération, repère rapidement les qualités du professionnel : « il discerne vite l’essentiel de l’accessoire, s’engage et délivre. S’il a un caractère tranché, cela ne l’empêche pas d’avoir le contact facile et franc avec les salariés et les syndicats et de savoir également parler aux prêteurs ». C’est après cette expérience et un petit-déjeuner avec l’avocat Jean-Dominique Daudier de Cassini que l’idée de devenir manager de crise germe : « une idée intéressante, car ambitieuse, et qui me faisait sortir des voies classiques » nous confie l’intéressé.
De Bourbon à Presstalis, Cédric Dugardin intervient sur tous les terrains
Bourbon sera son baptême du feu. Un dossier titanesque où Cédric Dugardin se retrouve télescopé parmi les dirigeants du « paquebot », leader des services maritimes à l’offshore pétrolier, présent dans 47 pays et fort d’une flotte de 483 navires. Il fallait remplacer la directrice générale déléguée, par ailleurs nièce du président, alors en congé maternité, reprendre ses affectations et relancer les négociations avec les créanciers. « C’était un gros dossier, techniquement intéressant » qui permit également au chef d’entreprise de faire la rencontre de Philippe Druon, à la manœuvre dans cette restructuration financière.
Après Bourbon, le manager assistera un groupe industriel multinational sous LBO dans l’élaboration de son PSE aux côtés des équipes de Mc Kinsey. Puis il prendra la direction de Conforama pendant six mois. Il lance alors un PSE de 2000 postes, sur les 5000 existants à l’époque, et a pour mission d’accompagner la cession de la chaine d’ameublement à But. Une cession qui finalement ne se fera que plus tard. Il sera ensuite, en pleine crise du Covid, amené à piloter l’épineuse restructuration du distributeur de presse Presstalis, alors que la diffusion des journaux devient un enjeu national. Il fait une immersion à 360° dans un dossier où il fallut tout autant opérer une restructuration sociale et industrielle, que financière. « Sans brutalité, tout en restant ferme et solide » se souvient Laurent Jourdan, avocat associé chez Racine et avocat de Presstalis, le chef d’entreprise opère une restructuration en profondeur dans un contexte social et politique tendu.
Il prend ensuite la tête de l’APST, qui est le premier garant français des agences de voyage. L’opérateur prenait de plein fouet la faillite de Thomas Cook et se trouvait en difficulté financière. Cédric Dugardin en profite pour restructurer en profondeur l’association qu’il a trouvé avec une trésorerie de 10 millions d’euros et qu’il a laissé avec 34 millions d’euros en caisse. Il y rencontre Michel Salaün l’un des adhérents de l’APST qui lui demande son assistance dans la restructuration de son groupe, avant de prendre fin 2022 la direction d’Eugène Perma dont il conduit actuellement le processus de prepack cession.
Homme d’action et de commandement
Intervenant tout autant dans un dossier industriel comme Presstalis, que dans la restructuration financière de Bourbon, également aux manettes dans plusieurs restructurations sociales, ainsi que dans la mise en œuvre de certains plans stratégiques de retournement, le chef d’entreprise sait livrer bataille sur tous les terrains. Aimant descendre dans une usine rencontrer les salariés, tout en étant stimulé par les restructurations financières complexes, le manager de crise retrouve dans les restructurations, « ce qui m’a motivé à chaque moment de ma carrière ». Avant tout guidé « par l’action et le commandement », il semble, à 56 ans, avoir trouvé sa vocation. Et pour cause, s’il « aime encadrer les gens et les emmener plus loin que ce qu’ils pensaient être capables de faire » il « aime également les entreprises en crise, car on n’a pas le temps de perdre du temps ». Considérant que dans une entreprise en crise, « le cash, c’est la vie » l’ancien professionnel de la finance aime y diffuser la culture du cash et du chiffre, et a fait de la discipline une vertu cardinale de son implication et de l’action le sens de son intervention.
« Personnalité attachante » pour Cédric Colaert, doté d’un vrai « sens de l’humour » ajoute Philippe Druon, Cédric Dugardin « sait travailler dans le collectif » abonde Hélène Bourbouloux. Ferme, mais pas brutal, humain mais sans copinage, « courageux dans ses positions mais à l’écoute, faisant preuve de sang-froid et ne pouvant se voir reprocher un égo mal placé » pour Laurent Jourdan, les éloges sont nombreux. Tantôt chef d’orchestre, tantôt capitaine de navire, une chose est sûre : il est dans l’action plutôt que dans la contemplation. S’il est décrit plus financier qu’industriel par les uns, il est décrit plus industriel que financier par les autres et semble en fait s’avérer complet. Jouant d’ores et déjà dans la cour des grands, ce père de quatre enfants refuse à ce jour les missions qui ne pourraient être réalisées sans quitter son domicile parisien. Est-ce une contrainte ? Assurément ! Mais n’est-ce pas aussi sa force ?
Par Cyprien de Girval