Par un jugement en date du 7 janvier 2021, le Tribunal de commerce de Marseille a arrêté le plan de redressement d’Altéo Gardanne, une entreprise stratégique qui fournit 71% des besoins français en alumines de spécialité. Le plan proposé conjointement par UMS, candidat repreneur, et l’entreprise permet le redressement de cette dernière, l’apurement de son passif mais également le maintien de quasiment l’intégralité des emplois.
Altéo Gardanne, fleuron historique de la métallurgie et de l’aluminium installé à Gardanne depuis plus d’un siècle, présidée et contrôlée par Altéo Holding (ensemble, le Groupe Altéo) est un leader mondial et le premier producteur français d’alumines de spécialité. Altéo qui fournit plus de 70% des besoins français en alumine de spécialité, réalise plus de 80% de son chiffre d’affaires à l’international, approvisionne 600 clients, est le premier fournisseur intégré d’alumines de spécialité au monde au travers d’un réseau commercial mondial situé en Europe, en Asie-Pacifique et en Amérique du Nord.
Par un jugement en date du 12 décembre 2019, le Tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SAS Altéo Gardanne qui employait alors 511 salariés et concernait plus de 1000 emplois indirects avec un impact direct sur les activités portuaires de FOS. Les difficultés d’Altéo sont nées en 2019 de la contraction brutale du marché mondial dont les effets ont été aggravés, d’une part, par le durcissement imprévisible des normes environnementales et, d’autre part, par l’arrivée à échéance en 2021 des autorisations de stockage des résidus de production, sans garantie de renouvellement. Ces éléments impliquaient des investissements très significatifs que la contraction des marchés rendait impossibles à réaliser dans les délais requis et sont venus aggraver les tensions de trésorerie.
La procédure de redressement judiciaire devait permettre de mettre en œuvre les mesures de restructuration d’ajustement de la production et de réduction des coûts nécessaires mais également de déployer les mesures d’adaptation permettant de répondre aux impératifs environnementaux.
L’enjeu du dossier était donc taille, n’étant pas qu’économique et social mais également environnemental et stratégique, l’alumine étant classée parmi les productions industrielles stratégiques.
En cours de procédure, il est apparu que le soutien financier de la SAS Altéo Holding était nécessaire pour qu’un plan de redressement par voie de continuation puisse être présenté par Altéo Gardanne. Les conditions prévalant ne rendaient pas possible un soutien de la part d’Altéo Holding – également en sauvegarde depuis le 12 décembre 2019 – et de son actionnaire, HIG. Un appel d’offres a donc été lancé au niveau mondial.
En dépit du nombre important de marques d’intérêts, plusieurs éléments ont rendu très complexe ce processus d’appel d’offres. L’ensemble des candidats repreneurs jugeaient non viable l’activité, dite amont, de transformation de la bauxite en hydrate d’alumine et limitaient donc leurs offres de reprises sur l’activité à forte valeur ajoutée, dite aval, de production d’alumines de spécialité. L’arrêt de l’activité amont nécessitait de pouvoir financer les coûts environnementaux de remise en état des sites concernés. Or, Rio Tinto (fournisseur de bauxite et principal créancier d’Altéo Gardanne) qui avait donné une garantie environnementale à Altéo Gardanne au moment de sa cession à HIG/Altéo Holding, a très vite indiqué que celle-ci ne serait pas maintenue en cas de reprise partielle de l’activité rendant ainsi impossible le financement des remises en état. Autre élément de complexité, les filiales de distribution du groupe Altéo, toutes in bonis, étaient détenues par Altéo Holding.
Pour sortir de l’impasse, HIG, Altéo Holding et le groupe UMS (UMSI), candidat repreneur à la base, ont imaginé et conclu un accord permettant à UMSI d’acquérir les actions d’Altéo Holding, pour devenir l’actionnaire de contrôle d’Altéo Gardanne et ainsi de présenter, moyennant un soutient de 40 millions d’euros, un plan de continuation d’Altéo Gardanne en débloquant immédiatement 10 millions d’euros entre les mains des coadministrateurs judiciaires. De fait, UMSI s’est démarquée des autres candidats qui s’étaient tous positionnés sur la reprise, partielle ou totale (pour l’un d’entre eux) du site.
Le ministère de l’économie et des finances a approuvé le rachat d’Altéo Holding par UMSI en application des dispositions légales imposant l’approbation des investissements étrangers en France dans des secteurs jugés stratégiques, en faisant ainsi le nouveau détenteur majoritaire d’Altéo Holding qui détient les parts d’Altéo Gardanne.
Cette structuration, validée enfin par le jugement du 7 janvier, prend ainsi en compte l’aspect environnemental mais également l’aspect social, industriel, commercial et économique. Au plan environnemental et industriel, elle permet de maintenir la garantie environnementale donnée par Rio Tinto à Altéo Gardanne SAS tout en autorisant l’abandon progressive par Altéo Gardanne de la transformation de la bauxite pour recentrer son activité sur les alumines de spécialité. Les coûts environnements associés seront couverts et, l’arrêt de l’activité amont met un terme aux conséquences environnementales associés à l’activité amont , dénoncées par les défenseurs de l’environnement comme une pollution majeure de l’écosystème local. Au plan commercial, il permet de maintenir les filiales de distribution dans le périmètre du groupe. Ce plan permet enfin de proposer des modalités d’apurement du passif satisfaisantes et le maintien de la quasi-totalité des emplois. En effet, la perte d’emploi devrait se limiter à terme à 98 emplois au maximum sur un an, les emplois étant maintenus en intégralité dans l’immédiat.
La Direction du groupe UMS, présidée par Fadi Wazni, dirigeant fondateur du groupe, prend acte avec satisfaction de la décision du Tribunal de Commerce de Marseille. Groupe industriel expérimenté, UMS entend ouvrir une nouvelle ère pour Altéo Gardanne afin d’en faire le leader mondial des alumines de spécialités sur le long terme.
AJRS (Philippe Jeannerot, Jessica Levy) et Ajilink (Frédéric Avazeri, Xavier Peraldi) sont intervenus sur le dossier en tant qu’administrateurs judiciaires et sont désormais commissaires à l’exécution du plan.
Les mandataires (Vincent de Carrière) et Louis & Lageat (Jean-Pierre Louis) sont intervenus en tant que mandataires judiciaires.
Altéo Holding était conseillée par Simon Associés (Emmanuel Drai) et Bollet & Associés (Marc Bollet).
Altéo Gardanne était conseillée par Weil Gotshal Manges (Jean Dominique Daudier de Cassini, Eugénie Amri, Camille Bretagne), BBLM Avocats (Bernard Bouquet, Rémy Gomez, Thomas Gagossian) et Eight Advisory (Xavier Mesguich, Antoine Chaucesse). Frédéric Ramé, président d’Altéo Hoding, était également conseillé par Bollet & Associés (Marc Bollet).
Le groupe UMS était conseillé par le cabinet August Debouzy sur la structuration globale de l’opération (Laurent Cotret, Valéry Denoix de Saint Marc, Clément Quernin, Ludovic de Talancé), KPMG sur ses aspects financiers (Pascal Bonnet, François-Xavier Goldsmith, David Attali) et Enomyc sur ses aspects techniques (Alain Parent, Guillaume Bastien).
Rothschild est intervenue dans le processus de cession en qualité de banque d’affaires mandatée lors de l’appel d’offres lancé par les administrateurs judiciaires d’Altéo Gardanne.
Par Caroline de Bonville